L'habit ne fait pas le moine!

Roula Dfouni

“L’habit ne fait pas le moine!” C’est ce qu’on me disait depuis belle lurette, mais ce n’est que récemment que je compris “le vrai” sens de ce proverbe.

Etre Designer/Entrepreneur au Liban n’est pas un privilège. Il faut faire des mains et des pieds pour se tailler une place.  Etre sociable ou « INN » comme on le dit dans ce pays est très important dans notre domaine : “yiihh tu ne vends pas chez xxx ? yayy t’es pas INN !!”

Parlons un peu de xxx ! xxx peut être n’importe quelle personne qui possède une boutique, galerie ou concept store où vous découvrirez de nouveaux talents ou designers établis, tant libanais qu’internationaux. Donc c’est dans notre intérêt, nous « Designers » d’avoir cet espace pour exposer nos oeuvres. Pour faire partie du groupe, il ne suffit pas d’avoir de bons produits, ni la créativité, mais juste de pouvoir “arriver a xxx” (al woussoul ila). xxx peut être une femme au foyer qui eut l’idée de se lancer dans le business, qui a le PR nécessaire, un lot d’argent de disponible et quelques spots à la télé; ou une artiste passionnée d’art, de design et de solidarité. 

J’eus la chance/malchance de rencontrer ces deux profils.

Ma première expérience avec “Miss I’m Famous”: suite à quelques recherches préalables pour s’enquérir de cette Miss et les recommandations d’amis designers (“c’est sympa! Classy! Mahdoum! bien fréquenté – ahamma shi!”),  je me suis dit “pourquoi pas!”. Je pus après maintes tentatives moyennant une collègue, les moyens électroniques, et la préparation adéquate vu ma conscience professionnelle (être à l’heure avec mon look-book sur USB, mon IPAD, des photos, et un look trendy mais simple),  rencontrer « Miss I’m Famous » qui me salua avec un air hautain et sans enthousiasme.  Une « Miss allah khala2neh wou kasar el 2alib » se montre plus friendly, et toutes les deux sont certainement très bien habillées, coiffées, maquillées, botoxées, siliconées, charcutées, etc.  Première impression: je suis mal à l’aise! Je regardais autour de moi pour voir si le magazine Mondanite serait dans le coin 😉 J’attend mon tour (il y avait quelqu’un d’autre qui présentait son travail). 30 minutes…  Je propose aux Miss de regarder mon look-book mais elles se contentent des photos sur ma page Insta, sans me poser de questions, ni s’enquérir à propos de ma démarche artistique… J’eus droit au commentaire suivant, des plus constructifs et valorisants: ” hmmm gheir style !! ” Euh oui, il est évident qu’il s’agisse d’un style différent du vôtre, et j’avais cru que l’espace que les Miss gèrent offre une plateforme de rencontre entre divers styles…  ou non?? !! Miss I’m Famous annonce soudain avoir “un meeting très important à Beirut!” (voyons, l’ONU ne peut se passer d’elle 😉 ) et  Miss 2alla khalakneh wou kasar el 2alib se souvient par hasard qu’elle aurait également un meeting “extrêmement important” (l’avenir du pays en dépend!!!).  Il était midi et on me faisait avaler de bonnes salades… “On va regarder le lookbook 3ala rawak wou mnehkikeh”,,,”tesslamile”. Evidemment, elles ne connaissaient même pas mon nom! Après tout, qui suis-je pour demander un minimum de respect et exiger l’éthique professionnelle? Dans le catalogue PRien de ces deux MISS, je n’ai pas de place, et donc, je n’existe pas… Car dans cette fameuse liste VIP, le portefeuille, une cervelle de moineau, le bling bling, un look refait de la tête aux pieds chez Dr. Y (“le meilleur en ville”) et une page Facebook pleine à craquer de soirées mondaines, fesses et poitrines à l’appui, sans aucune allusion au design ni à l’art, sont des pré-requis.

Ma deuxième expérience fut avec une xxx qui possède également un espace d’exposition d’oeuvres pour des artistes locaux et internationaux. Mme xxx répondit immédiatement à mes appels et montra un intérêt pour me rencontrer sans artifices ni condescendance. Celle-ci me fit le tour de son espace, fournissant des informations sur chacun des designers, prépara un café et dialogua !! Oui, tout simplement: DIALOGUA !! Elle connaissait mon nom, mon style, mes produits (she did her homework) et me fit part de ses attentes tout en précisant “we can do anything you want as long as you are happy”. Le respect et l’entente étaient au rendez-vous. Une artiste de renom, pourtant, à la page Facebook simple, traitant de l’essentiel (le DESIGN) et d’une modestie hors pair!  

La morale de ces deux histoires/ expériences personnelles mais que d’autres collègues vous conteraient également: être Designer au Liban peut rimer avec beaucoup de choses dont ‘la merde enrobée d’atours clinquants’. Dans le pays des apparences trompeuses, Il est extrêmement rare de trouver un accord entre le talent et le caractère, et il est encore plus rare de trouver des personnes qui portent le chapeau de designers tout en l’étant pleinement… En ce sens, je me sens souvent contrainte de me taire lorsqu’on me pose la question sur mon domaine de travail, sur ma passion quoi!… Mais je garde l’espoir 🙂 Les esprits créatifs et la communication humaine n’ont pas complètement disparu!

 

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