“Je suis une femme libanaise.” Etant plus jeune, je croyais si fort à l’honneur et la fierté qui accompagnaient cette phrase. Aujourd’hui, je pourrais bien dire: “Je suis un objet made in Lebanon” et je pense que cela procurerait le même effet.
Mon texte n’est pas objectif et ce n’est pas une simple présentation de faits. En fait, il est assez loin de l’ordre et de la conformité puisque je ne pourrais exprimer la réalité qu’implique cette plaie dans mon quotidien tout en étant objective.
J’ai fini par réaliser que la situation de la femme au Liban n’est pas aussi impressionante qu’elle semblait l’être, qu’être une femme libanaise ne voulait rien dire.
Chaque jour, des femmes sont battues à mort parce qu’elles ont oublié de préparer le café, parce qu’elles ont mal répondu, mal rangé certaines affaires, parce que leur visage a soudainement irrité leur mari ou tout simplement parce que l’époux se sent dépassé par les évènements et aurait bien besoin d’un sac de boxe qu’il ne pourrait se procurer.
Le plus drôle à mon avis, ce n’est pas que tout cela arrive, non, cela peut arriver n’importe où dans le monde mais ce qui chagrine et écorche du cœur tout espoir en une meilleure nation, c’est notre impuissance face à cette situation, qu’on ne puisse pas les défendre, qu’on ne puisse pas les protéger de leurs agresseurs, qu’il n’existe aucune loi -à part des projets et des promesses en l’air- qui pourrait garantir la sécurité de la femme sous son propre toit.
Chaque jour on nous bombarde de “on devrait”, “il faudrait”, “on pense que”.. Oui, penser c’est important mais il faudrait agir aussi.
L’erreur de tout ce système provient d’abord de la mentalité qu’on fait traverser, qu’on se croit féministe parce qu’on demande les droits des femmes. Tout en employant le verbe demander, on serait en train de connoter la présence d’une personne supérieure qui va nous rendre service et nous faire une faveur. Mais comment pouvons-nous ne pas réaliser l’erreur fatale dans un tel discours? En tant que femme je ne suis en obligation de demander mes droits de personne, je dois être en mesure de me les accorder, de prendre ce qui me doit.
L’injustice auprès des femmes ne se dévoile pas uniquement à travers les grands incidents tels que les décès, mais aussi paraît-elle à travers des faits plus souples mais qui ne passent pas anodins dans notre quotidien. En tant que femme libanaise, je ne peux pas donner ma nationalité à mon enfant, mon propre enfant. Je ne peux voyager hors des limites que me dresse mon territoire sauf après l’approbation de mon père, mon oncle, ou mon mari, pourvu qu’il soit un homme, certainement. Apparemment, et contrairement à toute loi scientifique ou logique, l’homme au Liban est doté d’un sens plus développé de délibération et serait ainsi le seul en position de prendre une telle décision; si la femme peut voyager ou pas.
Au cas où mon époux décide de rompre, il peut décider seul du divorce, et il pourrait même m’expulser de la maison sans rien en poche, sans foyer, et sans la garde de mes enfants.
“Ne dis pas ça, tu es une femme!” Dès notre plus jeune âge on n’entend que des phrases similaires. Ces propos nourrissent notre inconscient à un point qu’on commence à croire à la légitimité de l’inégalité même dans ses moindres détails et qu’on arrive même à la défendre.
L’ignorance humaine n’a décidément pas de bornes, l’exemple le plus flagrant à mon avis serait que des femmes plaident en faveur d’une “quota féminine libanaise”. On serait en train de nous considérer nous-mêmes comme des citoyennes de seconde catégorie, une partie faible et impuissante dans la société à laquelle on veut accorder la faveur de s’exprimer.
En outre, le mieux serait d’arriver à briser certains stéréotypes, à comprendre qu’être féministe aujourd’hui n’est pas être sexiste, ne se limite pas aux femmes seulement, ne signifie pas être contre l’homme, non plus être supérieure ou inférieure à l’homme mais être l’égale de l’homme et travailler avec lui pour le progrès de notre société.
Finalement, peut-être que penser aux droits des femmes et à l’inégalité qu’elles subissent dans ce pays insite en nous un sens révolutionnaire, une colère face à la société où nous vivons, on pourrait même se demander pourquoi personne ne fait rien. Mais le salut de notre société ne vient que lorsqu’on réalise qu’on est, nous-même, cette personne.