Dr. Pamela Chrabieh – Beyrouth
La révolution du 17 octobre 2019 fut l’occasion pour de nombreuses femmes libanaises de toutes appartenances et générations d’élever leurs voix. La plupart de ces femmes revendiquent les mêmes droits que ceux des hommes, notamment le droit à une vie digne, une société inclusive, une meilleure gestion socio-politique de la diversité, la fin de la crise économique et de la corruption, etc. Toutefois, plusieurs femmes ajoutent à ces revendications celles ‘féministes’.
Il est évident que la lutte pour les droits des femmes ne date pas d’hier au Liban et n’est pas le produit de cette révolution, même si plusieurs médias européens et nord-américains affirment le contraire. Les activistes de tous bords et les ONGs s’acharnent depuis des années contre le patriarcat et le confessionnalisme, et pour l’égalité des genres. La lutte multiforme est en fait continue, et ce en dépit de certaines réformes — dont l’abrogation de l’article 522 du code pénal qui permettait à un violeur d’échapper à une condamnation s’il épousait sa victime — et les avancées dans les domaines de l’éducation et de la santé.
Selon le rapport Global Gender Gap du Forum économique mondial, le Liban se situe en 140e position du classement sur 144 pays étudiés. Les libanaises restent encore en retrait dans les domaines économique et politique. Elles touchent des revenus bien moindres que les hommes (hormis quelques exceptions) et sont minoritaires dans les postes-clefs de managers et fonctionnaires. Le parlement ne compte que 6 femmes sur 128 députés au terme des législatives de mai 2018, et le gouvernement démissionnaire n’incluait que 4 femmes ministres.
De plus, les femmes souffrent d’inégalités au niveau du statut personnel (mariage, divorce, héritage, garde des enfants, …) vu que celui-ci est confessionnel. Le mariage des enfants est encore légal, et le viol marital/conjugal n’est pas reconnu. A ce jour, il n’existe pas d’âge minimum national, alors que d’autres pays l’ont deja fixé à 18 ans: Tunisie, Egypte, Emirats Arabes Unis… Et bien que le Liban ait ratifié la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes en 1996, l’Etat libanais a émis des réserves sur l’article 9 stipulant que les Etats signataires donnent à la femme le même droit que l’homme en ce qui concerne l’octroi de la nationalité au conjoint et aux enfants. Et encore… La liste des inégalités est trop longue et ne peut être résumée en quelques lignes.
Il est clair que la révolution du 17 octobre a rendu les voix des femmes beaucoup plus visibles qu’auparavant — elle a permis à un plus grand nombre de femmes de s’exprimer, au-delà des traditionnels cercles de la société civile (la prise de parole et l’action se sont démocratisées) –, et celles-ci jouent un rôle incroyable tant en coulisse que sur le devant de la scène, mais il reste beaucoup à faire afin d’en récolter les fruits.