Il s’agit d’une « nouvelle espéce » de féministes tant en Amérique du Nord qu’en Europe. Le fémivorisme a pour principes l’auto-suffisance, l’autonomie et l’investissement personnel, qui poussent les femmes à quitter le monde du travail en zone urbaine, tout en se basant sur la prise de conscience de l’origine et la qualité de notre nourriture (se nourrir d’aliments sains et goûteux), de l’importance de la diminution de l’empreinte carbone, et de la production de manière durable au lieu d’une consommation frénétique. Pourquoi « fémivore » ? A cause d’« omnivore » : ce vocable est en vogue depuis le livre essentiel de Michael Pollan, « The Omnivore’s dilemna » (« le dilemme de l’omnivore »), qui a généré aux Etats-Unis une réflexion intense et très populaire sur l’alimentation, l’agriculture, l’agro-alimentaire. Depuis, on qualifie aussi de « locavores » ceux qui mangent des aliments produits localement.
« Aux Etats-Unis, il s’agit de femmes appartenant à la classe moyenne ou supérieure, habillées dans ce style très américain ni négligé ni hippie, mais surtout pas à la mode, jamais maquillées, qui font leurs courses dans les supermarchés bios et fréquentent le « farmer’s market » (marché de produits frais) du week-end s’il en existe un dans leur ville. Elles ont plusieurs enfants qu’elles trimballent partout et tout le temps, parce qu’elles ont souvent choisi le « home schooling » (école à la maison), et que chaque circonstance de la vie est une occasion de les instruire. Avant, elles travaillaient, souvent comme avocates, architectes, professeures, médecins, cadres d’entreprise, et elles avaient des horaires de dingues. Elles se sont arrêtées pour se consacrer à leur famille, parce que ça leur arrachait le cœur de confier leurs petits à des baby-sitters ou des écoles formatées, parce qu’elles ne les avaient pas mis au monde pour ça ».
Y aurait-il des fémivores au Moyen-Orient ? Pas à ma connaissance. Même ma mère qui est une férue écolo depuis des années n’a jamais abandonné sa fonction d’avocate. Pour ma part, j’essaye au quotidien de déconstruire ma condition de ‘Superwoman’ tout en essayant dans la mesure du possible d’allier maison, boulot et un brin de « green ». Les mouvements féministes au Moyen-Orient se différencient de ceux de l’Amérique du Nord et de l’Europe, même si des points communs existent. Il est vrai que bien des femmes diplômées au Moyen-Orient, une fois mariées, abandonnent leur lieu de travail. Toutefois, de là à cultiver un potager et élever des poules, devenir fermières ou « féministes de conserves-maison »… !!! Abandonner leurs études ou leur fonction dans les secteurs public ou privé ne se fait pas dans ce cas avec pour objectif de se « libérer » de « l’aliénation supplémentaire » qu’est d’être épouse, mère et salariée en même temps. Le mouvement « naturaliste » au Liban par exemple aurait pour objectif d’améliorer la santé physique, de combattre le cancer par des méthodes alternatives, de surveiller la ligne, etc. Il ne s’agit nullement pour la raison suivante : Vouloir l’égalité homme-femme ne doit pas se faire au détriment de la santé et de la planète !
Aux Etats-Unis, le mouvement de retour à la terre est largement mené par des femmes qui font de leur mode de vie une philosophie amenée à transformer, sinon le monde, au moins leur pays. Elles visent à transformer le manque en abondance, à produire tout d’elles-mêmes et donc à assurer un solide filet de sécurité. Celles-ci précisent aussi que le foyer ne peut être le centre de tout, du travail et de la vie, que si les maris sont impliqués à parts égales.
Le fémivorisme diffère de l’écoféminisme lequel est une perspective plus politique – existe aux Etats-Unis depuis les années 80 – appelant à la construction d’une société qui ne serait pas fondée sur la colonisation de tous genres : femmes par les hommes, nature par les êtres humains, colonies par métropoles. Donc la sphère politique serait dans ce cas celle de la vie quotidienne, de la transformation des relations fondamentales.
On pourrait s’inspirer de quelques visions et pratiques des fémivores, sans tomber dans l’excès. On pourrait bien se demander par exemple en tant que femmes et hommes au Liban et au Moyen-Orient à quoi rime une existence faite de stress, de surmenage et d’oubli de soi ? Ne serait-il pas temps de miser sur l’essentiel, et de s’épanouir tout en protégeant l’environnement ?