Dans un pays – alias le Liban – où l’être humain est dispensable, où la compétence, le sens critique et la créativité sont remplacés par la ‘poche pleine’ et les services rendus aux ‘zaims’ (pseudo-leaders) ou par les zaims, que dire du regard posé sur les académiciens, notamment en sciences humaines et domaines afférents? Croyez-moi, celui-ci est marqué par le mépris, puisque l’ignorance de l’humain est ‘à la mode’, accompagnée de la possession à outrance de biens matériels. En fait, plus on en possède et on cherche à en posséder, moins on fait travailler la cervelle, et donc plus est-on ‘apte’ à la soumission ou la dictature.
Dans un contexte à la fois menaçant et porteur de nouveaux défis, face au caractère inédit de son impact sur le fonctionnement de la société libanaise, l’apport des sciences humaines dans l’éducation – scolaire et universitaire – ainsi que dans les institutions publiques et privées est précieux. Elles sont l’outil de connaissance des évolutions et des mécanismes qui marquent les sociétés. L’enjeu est d’intégrer dans les visions stratégiques des éléments trop souvent négligés ou considérés comme périphériques. Ils sont pourtant une des clefs de réussite des actions à engager, au même titre que les facteurs d’ordre technologique ou économique.
[quote style=”boxed”]“Nous vivons à une époque complexe et remplie de défis. Les questions les plus pressantes de l’heure – qu’elles soient d’ordre économique, politique, technologique ou social – comportent une dimension humaine fondamentale qu’il faut bien comprendre si nous voulons y répondre de façon efficace. Les sciences humaines génèrent une base de connaissances issues de la recherche axée sur l’être humain : ce qui le motive, comment il vit et comment il interagit. Elles éclairent notre façon de comprendre le monde dans lequel nous vivons et la place que nous y occupons”.[/quote]
(Chad Gaffield, président du CRSH, 2008)
Le Liban a sans nul doute besoin de science, et notamment de sciences humaines. Ce pays meurtri par des décennies de guerre a besoin de relever le niveau scientifique général de sa société. C’est une nécessité économique : la science est porteuse de progrès technologique, de développement et de compétitivité. Mais au-delà de ces impératifs strictement économiques, la science est porteuse de valeurs. Elle est l’expression d’une curiosité de l’esprit humain.
Dans l’esprit de nos contemporains, cette idée est acceptable pour ce qu’il est convenu d’appeler les sciences dures et les sciences du vivant, et encore… Toutefois, on aurait tort de ne pas inclure les sciences humaines dans cet ensemble. En effet, les sciences humaines relèvent elles aussi de la volonté de comprendre et de développer les connaissances. Elles sont porteuses de progrès technologiques et de savoir-faire, qui se développent à partir de la connaissance.
Que dire des sciences sociales? Celles-ci trouvent ‘un sujet de prédilection dans l’entreprise et au sein de l’Etat, ce rassemblement d’individus tendus vers un objectif et dont les relations sont déterminantes du projet commun. L’entreprise et l’Etat peuvent mieux se comprendre et progresser grâce au regard du sociologue’. Il en est de même pour l’histoire. ‘Combien d’entreprises et d’institutions étatiques ont trouvé avantage à faire travailler des historiens pour retracer leur propre histoire, montrer la spécificité de leur culture et renforcer leurs valeurs ? Pour l’historien, c’est un réel élargissement du champ de son champ de recherche’.