Mon histoire avec l'excision du clitoris

Je suis Leyla et je suis égyptienne. Je vous écris mon histoire en espérant que vous la publierez. Je vis actuellement au Québec où j’ai eu vent de votre projet extraordinaire qu’est ce blog et la page Facebook. Briser le silence, déconstruire les stéréotypes, offrir un savoir alternatif sur les femmes au Moyen-Orient, et varié!

Mon histoire est celle de beaucoup d’autres égyptiennes – des millions – et d’africaines, ainsi qu’en Arabie et dans d’autres pays du Moyen-Orient. Elle n’est pas exceptionnelle, elle n’est pas ponctuelle, elle est devenue en quelque sorte la norme à suivre au nom des traditions, des coutumes, de la religion, au nom de l’honneur familial, tribal et même national.

Mon enfance n’était pas ce qu’on pourrait qualifier d’épanouie vu que j’ai vécu dans un environnement ultra-conservateur, où les femmes n’avaient pas le droit à la pensée, ni la parole. Mon père battait régulièrement ma mère et ne manquait pas de nous inculquer une ‘bonne leçon’ à mes soeurs, frères et moi-même lorsque nous osions enfreindre ‘la loi’ – sa loi ! A 12 ans, je découvris avec effroi le cycle menstruel, croyant que j’allais mourir en voyant tout ce sang. Mon père décida que je n’étais plus une enfant, et m’ordonna de porter le voile et de ne plus parler à mes cousins. Les futurs époux commencèrent à le visiter, et celui-ci ne tarda guère à me vendre au plus offrant: deux vaches, un poulailler et l’accès à un puits d’eau – l’eau était une denrée rare dans mon village.

Je ne vous conte pas la nuit de mes noces – je n’avais que 13 ans et mon époux 65 ans – qui fut l’un des pires moments de ma vie. Heureusement que je n’arrivais pas à tomber enceinte – ce qui rendait furieux mon époux lequel ne manquait pas de me battre et de me violer -, mais ce qui advint quelques mois plus tard fut encore plus ignoble: ma famille et celle de mon époux décidèrent que mes parties génitales devaient être excisées, de peur que j’aille voir ‘ailleurs’! Voyez-vous, le plaisir au féminin est sujet tabou. La femme ne devrait pas jouir, sinon les démons s’empareraient de son corps et de son esprit, et c’est la famille, voir la tribu qui en payeraient le prix!

13 ans… Mariée de force, violée à répétition, battue, et une CLITORIDECTOMIE (ablation du clitoris et des petites lèvres). A l’époque, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. On me disait que toutes les filles du village sont passées par ce genre d’intervention, qu’il s’agissait d’une coutume pour me purifier et bénir mon mariage. On ne m’a pas dit que j’allais perdre l’organe qui me donnerait du plaisir, on ne m’a pas dit que j’allais subir des souffrances atroces, on ne m’a pas dit que j’allais être traumatisée à vie, physiquement et psychologiquement. On ne m’a pas dit que les rapports sexuels deviendraient extrêmement douloureux. On ne m’a pas dit que Samiha, mon amie d’enfance, développa des abcès et décéda suite à des hémorragies à l’âge de 13 ans aussi. On ne m’a pas dit que ma cousine Bibi devint stérile et que ma deuxième cousine Malaki fut contaminée par le virus du sida – la stérilisation des instruments chirugicaux? Elle n’existe pas!

Oui j’ai survécu, oui j’ai pu m’enfuir de mon village (ce qui n’est nullement le cas de bien de femmes) et un ami m’aida à me réfugier au Canada, oui j’ai pu me refaire une vie, mais vingt ans plus tard, les séquelles de la violence subie en étant enfant et adolescente n’ont pas disparu. Les cauchemars sont fréquents, les douleurs physiques, et la douleur de l’âme encore plus.

L’excision est un crime! Selon des statistiques onusiennes et celles d’organismes internationaux luttant pour les droits des femmes, plus de 6000 fillettes en sont touchées par jour, même en Europe, aux Etats-Unis et au Canada! Parfois sous prétexte de prévention de la masturbation et de l’hystérie, pratiquée par des animistes, catholiques, coptes, juifs, musulmans, etc. (pourtant aucune religion n’a imposé l’excision dans ses lois), parfois en tant que rite de passage (pourtant des filles sont excisées dès 4 ans), et souvent, une question de virginité et de chasteté: les femmes qui ne sont pas excisées sont considérées impures, incapables de maîtriser leurs pulsions, susceptibles d’empoisonner leurs maris et enfants par le sexe, ou même de posséder un sexe qui non coupé, continuerait de grandir et dépasserait celui de l’homme et pourrait même l’avaler !!!

J’ai subi l’excision malgré moi et parce que je voulais respecter la décision familiale. Certaines femmes s’y opposent mais payent cher leur opposition: elles sont assassinées! Ma mère m’avait dit suite à l’excision que j’étais devenue une ‘vraie femme’. Moi je ne pensais qu’au suicide… Il m’a fallu des années de thérapie – privilège que d’autres femmes n’ont pas – pour comprendre le passé, panser ses blessures, et donner un sens à la vie.

L’excision est une abomination et il est temps d’en parler dans les pays arabes et africains à voix haute! Assez le mutisme! Oui dans certains pays, ceux qui pratiquent l’excision sont emprisonnés, oui certaines femmes ont même accepté de ne plus l’exercer en recevant de l’aide de l’Etat pour gagner leur vie autrement. Mais les mutilations persistent et l’ONU tarde à les bannir totalement!

Mon histoire est celle de plus de 90% des femmes égyptiennes! Mon histoire est celle de femmes violentées, bafouées, mutilées, mais aussi de certaines d’entre elles qui ont pu s’en sortir et militent pour un meilleur avenir, du moins pour la prévention qui passe par l’éducation, l’écoute, le dialogue, et la libération de la parole. La norme devrait tôt ou tard être inversée si des efforts supplémentaires sont déployés.

 
 

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